Tout se passe comme si, Alain Veinstein, Mercure de France,2001
21/01/2022
Si je m’étais tu
Tout aurait continué comme avant,
quand nous courions, étourdis,
dans le jour du dehors.
C’est une plaie ce besoin de parler,
la bouche grande ouverte sur les dents,
comme s’il y avait une promesse dans l’air,
quelqu’un pour nous entendre…
Quelle blessure, l’impatience
à expulser l’enfant, à
l’arracher à toute force comme un ballon, à
se précipiter en pure perte à l’écart du secret
en se donnant l’illusion de jouer
les coursiers de la mort.
Là où je suis, j’essaye de mémoriser
un mot, une phrase,
pour plus tard.
Tout se passe comme si
je n’étais pas vaincu déjà
par le silence.
C’est exactement comme
lorsque je caresse la cicatrice
qui me traverse la poitrine
en me persuadant qu’elle n’est pas à moi