Provisoires, Christophe Manon, Éditions Nous, 2022

04/02/2022

Nous avons aimé

et peut-être

aimerons-nous encore

mais les baisers

échangés ou volés

les étreintes données

à la dérobée

ne peut s’oublier

et nous vivons

avec

sur la face

leurs nobles cicatrices



Longtemps

très longtemps

nous avons couru

et suffisamment

pour y perdre le souffle

et prendre goût

à cet essoufflement 

car ce qui file

à très grande vitesse

et qu’on ne peut saisir

c’est cela

qui nous tient

et résiste à la fin

à notre effacement



Dans l’ivresse

et la fureur

nous luttons

contre nous-mêmes

et nous nous acharnons

à détruire

ce que nous sommes

et ce que nous aimons

cognant contre les murs

nos vilaines caboches

mais en vain

car toujours revient

avec plus de vigueur

le mauvais chiendent



Tous

à la fois

prédateurs et proies

chargés d’erreurs solides

d’un désir insatiable

et sans fond

tous

si féroces et si tendres

provisoires et cependant coriaces

donnant d’une main

pour reprendre de l’autre

dans la splendeur du jour