Provisoires, Christophe Manon, Éditions Nous, 2022
Nous avons aimé
et peut-être
aimerons-nous encore
mais les baisers
échangés ou volés
les étreintes données
à la dérobée
ne peut s’oublier
et nous vivons
avec
sur la face
leurs nobles cicatrices
Longtemps
très longtemps
nous avons couru
et suffisamment
pour y perdre le souffle
et prendre goût
à cet essoufflement
car ce qui file
à très grande vitesse
et qu’on ne peut saisir
c’est cela
qui nous tient
et résiste à la fin
à notre effacement
Dans l’ivresse
et la fureur
nous luttons
contre nous-mêmes
et nous nous acharnons
à détruire
ce que nous sommes
et ce que nous aimons
cognant contre les murs
nos vilaines caboches
mais en vain
car toujours revient
avec plus de vigueur
le mauvais chiendent
Tous
à la fois
prédateurs et proies
chargés d’erreurs solides
d’un désir insatiable
et sans fond
tous
si féroces et si tendres
provisoires et cependant coriaces
donnant d’une main
pour reprendre de l’autre
dans la splendeur du jour