Poèmes pour enfants seuls, Étienne Paulin, Gallimard, 2023
Pour vivre encore
quarante habits dans la forêt
quelqu'un répand de la beauté
personne pour monter la garde
la mousse dort dans de la mousse
quelqu'un déborde de beauté
Qui le saura ?
dans le jardin j'entends bêcher
fébrilement
et je n'ai pas de potager
alors quelqu'un cherche un trésor
Soupirail
par qui le ciel est-il restreint
nos yeux
le matin gris de la conscience
la petite fumée sur le trottoir d'en face
quand le jour à venir n'a pas de quoi tenir
les mots comme s'ils pouvaient suffire
il y a tant d'écho
on entend quelqu'un rire
on oublie
on se sauve écumant
de honte de chagrin de honte
rien dans le bois
rien sous la terre au pied des arbres
rien dans les arrhes du réel
et pourtant le trésor est ici
sous nos yeux grâce à la pluie
mais tu sais je n'irai pas
j'ai les mains froides
de la résine sur les doigts
il attendra
Arrêté
il y dans l'air un amour de tristesse
c'est comme un grand dimanche
chère vies silencieuses
commencées dans un pré
on s'ennuie on se rendra encore
devant les portes du hangar
ou face à la statue équestre
quoi que ce soit bâti sur décision du maire
Hommage à Philippe Soupault
j'habite la pépinière
à gauche de l'herbe
à droite de l'eau
je construis des barques des vapeurs
des remorqueurs des brise-glaces
prenons la mer
passons par les champs
je serai déguisé
en brillantine en pélican
j'ai emprunté hier un pont qui ne s'est pas effondré
je me suis demandé combien d'épines avait un sapin majestueux
j'ai regardé du linge cuivre gonflé de vent
dans le jardin d'un pavillon particulier
j'ai cueilli un bolet ventru comme un sommier
j'étais avec ses silences
j'ai retrouvé dans la forêt le train fantôme
très peu intact
ses occupants avaient maigri
l'un d'eux souffrait de dysenterie
mais tout de même ils m'attendaient
j'ai décidé d'être gentil
même avec les ramures