Poèmes comme ça, André Dhôtel, Le Temps qu’il Fait, 2000
EN PASSANT (I)
Le train sentimental
faisait chanter les rails
pour réveiller les talus
sous le ciel inépuisable.
La locomotive avançait
vers l’avenir des grands bois
dans l’allée fleurie d’acacias
de violettes et de pardons.
Mais le voyageur regardait
par la portière les hirondelles
messagères des beaux hasards,
plus rapides que toute vie
et que les chers avenirs.
EN PASSANT (II)
Est-ce l’aube adorable et folle
d’un jour voué à l’ennui superbe
que nous cherchions ensemble ?
Il n’y aura pas de soirs
ni de midis ni de minuits
seulement l’oeuvre égale
des heures oubliées.
L’horloge sera muette
au fond de la chambre pure
n’ayant plus d’autre sens
que de refléter un soleil fuyant
sur l’abîme ignoré.
C’est pourquoi nous irons au loin
chercher l’heure imbécile
dans l’espoir idiot
de relancer le balancier ensoleillé.
Mais quand nous serons là-bas
nous même deviendrons
une mécanique pure
et nous rabâcherons
les minutes et les secondes
au lieu de célébrer
notre passion éclatante.
Saurons-nous jamais murmurer
par-delà les étoiles
à l’envers de tout calcul
pour ensorceler
le déroulement du ciel ?
Le jour est-il venu
où notre bêtise enfin
passera toute mesure
nous obligeant à connaître
le scandale de l’infini
rien que pour prolonger
d’une heure, d’une minute
le passage d’un rêve pur ?