Poèmes comme ça, André Dhôtel, Le Temps qu’il Fait, 2000

25/03/2022

EN PASSANT (I)


Le train sentimental

faisait chanter les rails

pour réveiller les talus

sous le ciel inépuisable.


La locomotive avançait

vers l’avenir des grands bois

dans l’allée fleurie d’acacias

de violettes et de pardons.


Mais le voyageur regardait

par la portière les hirondelles

messagères des beaux hasards,

plus rapides que toute vie

et que les chers avenirs.


EN PASSANT (II)


Est-ce l’aube adorable et folle

d’un jour voué à l’ennui superbe

que nous cherchions ensemble ?


Il n’y aura pas de soirs

ni de midis ni de minuits

seulement l’oeuvre égale

des heures oubliées.


L’horloge sera muette

au fond de la chambre pure

n’ayant plus d’autre sens

que de refléter un soleil fuyant

sur l’abîme ignoré.


C’est pourquoi nous irons au loin

chercher l’heure imbécile

dans l’espoir idiot

de relancer le balancier ensoleillé.


Mais quand nous serons là-bas

nous même deviendrons

une mécanique pure

et nous rabâcherons

les minutes et les secondes

au lieu de célébrer 

notre passion éclatante.


Saurons-nous jamais murmurer

par-delà les étoiles

à l’envers de tout calcul

pour ensorceler

le déroulement du ciel ? 


Le jour est-il venu 

où notre bêtise enfin

passera toute mesure

nous obligeant à connaître

le scandale de l’infini

rien que pour prolonger

d’une heure, d’une minute

le passage d’un rêve pur ?