Oubli précieux, Antonis Fostiéris, Desmos/poésie, 2009

15/01/2022

COMMUN ET INUTILE


Trois heures que j’essaie de dormir.

Chaleur du mois d’août

et, en plus, comme une idée

fixe, inutilement commune,

Dans mon oreille piaille

Un moustique.

Commun ? Inutile ? Je l’ignore.

Têtu - pour ne pas dire maniaque.

Que pouvais-je faire ?

Je l’ai chassé huit ou dix fois

Et finalement,

À ceux qui demandent

Et qui sonnent (malheur !

même la religion de la nature

avantage les effrontés)

J’ai décidé de me rendre. En espérant

qu’un don du sang volontaire m'assurerait

Quelques goutte de sommeil. Je me suis abandonné.


Il a atterri délicatement

Sur l’héliport du lobe. En se levant

La moitié de son poids au moins

Devait être de mon sang.

Bel échange :

Moi, le demi-moi d’un moustique !

Ça m’amusait presque. Mais comment dormir

Après ça. Car mon sang

A eu des ailes, pour la première fois,

Et il atteint en sifflant

Des hauteurs d’un vertige

Dont il avait sans doue manqué. Telle une plume,

Il partira à travers les grilles, au loin,

Pour aspirer toute la ville d’en haut

Avant l’aube.


Avant l’aube

Je l’avais tout à fait oublié. Je m’en suis souvenu

Par sa silhouette infime auprès du lit :

Alpiniste figé qui est resté

Sur la paroi enneigée d’un mur.


Ce n’est que ça, alors.

Tan de lutte, tant de sang,

Tant de tension,

Pour s’envoler un demi-mètre plus loin !


Inutile, effectivement, et  bine commun.


Pas la moitié,

Mais tout moi, vous dis-je.


traduit par Clio Macroeidakos-Muller