J’envisage l’impossible, Arthur Navellou, Éditions l’Iconoclaste, 2021
Si je pouvais retourner sur MSN Messenger
J’y verrais des discussions plates
Que je remplissais de sens caché
J’écouterais Again d’Archive
En envoyant des poèmes étranges
À des filles que je voulais séduire
Sans faire aucun effort
Je verrais couler un jus d’incertitude
Le long de mes doigts frêles
Aujourd’hui j’écris sans regarder
Ni l’écran ni mes doigts
En écoutant le flash info
Les yeux par-dessus les toits
La jeunesse
c’est quand la vie est telle qu’on se la raconte
Et on se la raconte
JE NE VOYAIS QUE DES PLANÈTES
Le jour où j’ai compris que je faisais une dépression
J’étais dans le jardin du Luxembourg à 15h30
Je ne croisais que des retraités quasi muets
Et des enfants tentant d'échapper à leur nanny
Un temps j’ai regardé une statue en me demandant
Si elle bougeait la nuit
Elle lançait un disque qui n’arriverait jamais au sol
J’ai été saisi un peu plus tard par le spectacle des boulistes
Ils étaient presque sept et ne jouaient pas tous
Certains avaient des fils aimantés
Un autre tenait un cerceau
J’ai compris que je faisais une dépression quand
Je n’ai plus vu les boules
Je n’ai plus vu les vieux
Je n’ai plus tenté de déchiffrer leur jargon
Je ne voyais que des planètes
S’entrechoquant dans un univers de sable
Des terres habitées où nous sommes aspirés
Par une force étrange
Vers un soleil qui les détruit
Ou qui sont emportées trop loin des chaleurs
Je ne voyais plus que le rocher sur lequel nous dérivons
Sur lequel nous allons mourir
Et qui finira sa course dans un soleil à l'agonie