J’envisage l’impossible, Arthur Navellou, Éditions l’Iconoclaste, 2021

18/03/2022

Si je pouvais retourner sur MSN Messenger

J’y verrais des discussions plates

Que je remplissais de sens caché

J’écouterais Again d’Archive

En envoyant des poèmes étranges 

À des filles que je voulais séduire

Sans faire aucun effort

Je verrais couler un jus d’incertitude

Le long de mes doigts frêles


Aujourd’hui j’écris sans regarder

Ni l’écran ni mes doigts

En écoutant le flash info

Les yeux par-dessus les toits


La jeunesse

c’est quand la vie est telle qu’on se la raconte


Et on se la raconte



JE NE VOYAIS QUE DES PLANÈTES


Le jour où j’ai compris que je faisais une dépression

J’étais dans le jardin du Luxembourg à 15h30

Je ne croisais que des retraités quasi muets

Et des enfants tentant d'échapper à leur nanny

Un temps j’ai regardé une statue en me demandant 

Si elle bougeait la nuit

Elle lançait un disque qui n’arriverait jamais au sol

J’ai été saisi un peu plus tard par le spectacle des boulistes

Ils étaient presque sept et ne jouaient pas tous

Certains avaient des fils aimantés

Un autre tenait un cerceau

J’ai compris que je faisais une dépression quand

Je n’ai plus vu les boules

Je n’ai plus vu les vieux

Je n’ai plus tenté de déchiffrer leur jargon


Je ne voyais que des planètes

S’entrechoquant dans un univers de sable 

Des terres habitées où nous sommes aspirés

Par une force étrange

Vers un soleil qui les détruit

Ou qui sont emportées trop loin des chaleurs


Je ne voyais plus que le rocher sur lequel nous dérivons 

Sur lequel nous allons mourir

Et qui finira sa course dans un soleil à l'agonie