Ballade du vent du roseau, Christian Viguié, La Table Ronde, 2022

24/04/2022

Sache qu’il y a ton nom 

entre le monde et moi

comme si je ne pouvais ni voir

ni toucher

ni dire

comme sui je devais passer par toi

pour ouvrir le soleil des choses

par tes yeux

par tes mains

à travers cette brûlure

quest ton absence

Dès lors j’ignore si je suis heureux

malheureux

si un abîme s’ouvre en moi

et déchire toutes les formes du sommeil

Peut-Être que mon amour 

porte feuillage et ombres

des milliers d’oiseaux noirs

un éclair qui le pourfendra

ou alors accomplit-il

ce que je n’ai jamais su faire:

étendre une corde de la nuit à la nuit

d’une impatience rêche à une impatience rêche

d’un mur à un mur

d’une lune à une autre lune

et m’offre-t-il l’inlassable voyage

de ce qui va vers toi



Parfois simple légèreté 

peut briser le coeur

simple amour dénoué par le vent

ou simple parole

comme des merles

avec leur éclats noirs et joyeux

Pour cela

il suffit de peu

d’un autre arbre

de ce vent dont je parle

de ce paysage

que l’on n’a pas fini de parcourir

car l’on croit toujours marcher

vers quelque chose

Sans l’espérer

sans vouloir vraiment le croire

voilà comment s’envolera notre amour

lui qui n’a été que douleur mordante

et n’aura gardé en mémoire

que la couleur d’un rouge-gorge

et d’un soleil. 


J’apprends à regarder jusqu’à ce que je ne sache pas

si mon coeur est un soleil

ou un rouge-gorge

Il bat à faire trembler la montagne

Ainsi je regarde à travers ce tremblement

Quelquefois le ciel tombe dans la paume de ma main

Quelquefois je mets ma main au feu

comme si ma main était une vérité

Quelquefois je demande au jour de rester

pour qu’il n’y ait aucune mort

et qu’aucun grand fleuve ne s’époumone et file vers la mer

ni pierre qui roule à cause de la force de l’eau

emportant une à une ses couleurs

car je ne veux plus trouver une explication au temps quoi passe

à ces mouvements qui broient le nom des choses

sachant que c’est le temps qui m’a appris à parler

à faire trembler l’or d’une flaque ou d’un mot

Il n’y a pas là grande philosophie

Il y a vallées collines arbres isolés ou forêt

arbustes murets ou fleurs

tout ce qui pourrait constituer le pourquoi

ou le comment de mes idées

Il y a là la manière dont je passe

moi qui demeure immobile

à l’abord d'un pré