Ballade du vent du roseau, Christian Viguié, La Table Ronde, 2022
Sache qu’il y a ton nom
entre le monde et moi
comme si je ne pouvais ni voir
ni toucher
ni dire
comme sui je devais passer par toi
pour ouvrir le soleil des choses
par tes yeux
par tes mains
à travers cette brûlure
quest ton absence
Dès lors j’ignore si je suis heureux
malheureux
si un abîme s’ouvre en moi
et déchire toutes les formes du sommeil
Peut-Être que mon amour
porte feuillage et ombres
des milliers d’oiseaux noirs
un éclair qui le pourfendra
ou alors accomplit-il
ce que je n’ai jamais su faire:
étendre une corde de la nuit à la nuit
d’une impatience rêche à une impatience rêche
d’un mur à un mur
d’une lune à une autre lune
et m’offre-t-il l’inlassable voyage
de ce qui va vers toi
Parfois simple légèreté
peut briser le coeur
simple amour dénoué par le vent
ou simple parole
comme des merles
avec leur éclats noirs et joyeux
Pour cela
il suffit de peu
d’un autre arbre
de ce vent dont je parle
de ce paysage
que l’on n’a pas fini de parcourir
car l’on croit toujours marcher
vers quelque chose
Sans l’espérer
sans vouloir vraiment le croire
voilà comment s’envolera notre amour
lui qui n’a été que douleur mordante
et n’aura gardé en mémoire
que la couleur d’un rouge-gorge
et d’un soleil.
J’apprends à regarder jusqu’à ce que je ne sache pas
si mon coeur est un soleil
ou un rouge-gorge
Il bat à faire trembler la montagne
Ainsi je regarde à travers ce tremblement
Quelquefois le ciel tombe dans la paume de ma main
Quelquefois je mets ma main au feu
comme si ma main était une vérité
Quelquefois je demande au jour de rester
pour qu’il n’y ait aucune mort
et qu’aucun grand fleuve ne s’époumone et file vers la mer
ni pierre qui roule à cause de la force de l’eau
emportant une à une ses couleurs
car je ne veux plus trouver une explication au temps quoi passe
à ces mouvements qui broient le nom des choses
sachant que c’est le temps qui m’a appris à parler
à faire trembler l’or d’une flaque ou d’un mot
Il n’y a pas là grande philosophie
Il y a vallées collines arbres isolés ou forêt
arbustes murets ou fleurs
tout ce qui pourrait constituer le pourquoi
ou le comment de mes idées
Il y a là la manière dont je passe
moi qui demeure immobile
à l’abord d'un pré